jeudi 29 juillet 2010

La Vérité

La vérité a bondi du dromadaire au divan, la tête la première.
Tu as essayé de la
rattraper toi, bel homme aux yeux bleus, vil séducteur aussi. Tu as voulu l'écraser de ton poids, en vérité si léger par rapport à l'invincible pierre. Stupide être que tu es tu tentas la plus folle des absurdités : la manger. Quoi ! A-t-on idée de croquer la roche ? Tu mâchas pourtant, d'un acharnement à faire pâlir un mort. Ton entêtement dépassait tout entendement : tu voulais la cacher, à n'importe quel prix l'enfouir à jamais, et quel plus propice endroit qu'un estomac ?
Après trois dents cassées tu pl
euras de tous tes membres, quelques instants qui te permirent apparemment de réfléchir. Bien sûr cette idée t'avait déjà traversé l'esprit, mais la mettre en pratique alors ! Tu pris la pierre, et la rentras dans tes fesses. Ah mais elle ne s'est pas laissée faire ! Elle a gonflé, et ta tête est devenue livide, presque verte ; tu partis précipitamment dans la salle de bain, que tu ne quittas plus jusqu'au matin. Je t'entendais vomir, mais d'un bruit cauchemardesque. Je restais interloquée, ne pouvant dormir et n'osant défoncer la porte. Arrête-toi, où l'immeuble s'écroulera ! Ouvre-moi Victor, je crains à vrai dire qu'après tant de vomis tu ne t'évapores : que restera-t-il de toi bon Dieu ? Que peux-tu vomir après des heures, tes os ?
Quand je te vis dans la baignoire, je ne
te reconnus pas. Tu avais une perruque multicolore, et des chaussures de clown : pourquoi ? Tu semblais inerte, presque mort mais je vérifiai : ton pouls, bien qu'irrégulier, battait encore, ainsi que ton coeur. Brusquement tu levas tes bras, tel un possédé de quelque force démoniaque. Tu me souris, mais je vis bien que ce sourire n'émanait pas de toi, pleutre, mais de la pierre. Tu te levas de la baignoire, toujours orné de tes fantaisies clownesques, et te dirigeas vers moi qui, effrayée, reculai. Je ne suis habituellement pas lâche mais je dois avouer que la situation ne m'était guère rassurante, la peur provoquant même en moi l'oubli du sordide endroit dans lequel j'étais. Tout semblait indiquer un squatt, mais n'étions-nous pas hier chez toi ? Comment diable un appartement peut-il autant changer du soir au matin, jusqu'à la disposition de ses pièces ?

La Vérité.


Oh mis
ère ! Victor, pourquoi t'habilles-tu en clown, pourquoi vouloir m'épouvanter jusqu'à de telles extrémités ? Que diras-tu mon chou, quand je perdrai mes réflexes d'auto-défense ? Tu seras bien embêté, n'est-ce pas !
Et
moi, je continuais de regarder le plafond, d'un oeil las. Les médecins m'ont attachée, de telle sorte qu'aucune vérité ne put s'avérer. Victor, lequel est le plus à plaindre ?
Non non, pa
s moi, je sais que je n'y suis pour rien : pourquoi tant d'obscénité Victor, quelle folie t'a pris de vouloir à ce point cacher cette pierre ? Tu le savais Victor, tu le savais que je l'avais vue, alors pourquoi l'avoir laissée te détruire ? Elle ne demandait rien pourtant, juste à se faire connaître. Elle était sur le divan, s'apprêtant à partir et vivre sa vie de pierre. Pourquoi tant de méfiance ? En plus tu pouvais l'attacher, comme moi. Bien sûr elle aurait gonflé, mais tu l'aurais constaté de tes yeux, et non de par la destruction de ton corps. Vivre une vie de pierre, une vie d'homme, une vie de femme ! Vivre selon sa nature, es-tu donc incapable de le concevoir ?
Oh
sinistre société !
M
isérable que je suis, m'être embarquée dans des aventures aussi sournoises !
Mais j
e ne m'inquiète plus, navrée de vous l'annoncer mais j'aurai le dernier mot, messieurs les médecins. A mon tour je gonflerai. Je suis la vérité que l'on qualifie de mensonge, la sage que l'on dit folle.
Je
l'ai vu ce clown, je l'ai vu. Il était possédé par la pierre, le mensonge qui la détruit.
C'est bien fait.
Ah vile société !


La vie telle qu'elle est véritablement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire