jeudi 29 juillet 2010

L'orthographe.

- L'orthographe, c'est too bad. Car c'est trop tip-top ringard quoi, quand tu fais ça t'es trop "on", t'es pas dans le coup mecton.
C'est ce que m
'a dit Daniel dans le train, hier.
-
Ah oui ? Explique.
-
Ben c'est trop nul, tu passes pour un intellectuel, autrement dit un sans-ami, et ça craint. L'orthographe ça craint man, tu dois écrire mais pas de cette moche façon. C'est pas d'jeun tu vois ; c'est plus de notre génération.
- En es-t
u certain ? Ne crois-tu pas que l'accumulation des découvertes humaines (d'abord la plus primaire mais tellement utile, celle du feu, puis l'agriculture, l'écriture, les mathématiques, aboutissant par un schéma logique à ce que tu chéris tant : la technologie), sans quoi tu ne serais pas (tes parents ne se sont-ils pas rencontrés sur un chat ?) ne se doit qu'au surpassement d'une génération sur la précédente ? Ne penses-tu pas qu'au contraire de décliner nous nous devons de surpasser nos parents ?
- Eh putai
n man t'as vu comment j'ai trop raison tu parles comme un bouffon.
- E
t toi comme un rappeur.
- Ouais exactemen
t, nan sérieux j'ai rien compris à ce que t'as dit et je m'en bats les couilles parce que toi-même tu sais j'ai raison, sinon tu m'aurais parlé normalement t'as vu.
- Mais je te parle
normalement ! Je te dis seulement que nous, jeune génération, nous devons d'égaler au moins le niveau de nos parents, au risque sinon d'une inexorable dégénérescence dont tu serais le précurseur. Ton sinistre dessein est-il de nous faire descendre dans un monde moyen-âgeux, où reines sont l'ignorance et la superstition, subterfuge au savoir ?
- Tu fais genre t'es
surdoué, mais tu te la pètes et t'es pas moins con que moi.
- Ce que je n
e comprend pas, c'est la raison qui te pousse à me tenir compagnie : souhaites-tu donc devenir le paria de ta cité ?
- J'habite pas la cité wesh, m
oi je chie sur les racailles ils font trop chier le monde quoi, moi j'habite le 16ème et j'suis bien content de pas en voir dans mon quartier (haha ils auraient les glandes mais nous on les massacrerait avec les potes, no-wesh dans notre zone).
- Tes propos
m'étonnent fort Daniel, d'autant qu'user d'une telle interjection tout en la dénigrant par la suite me paraît très ironique : est-ce voulu ? Je pensais que tu imitais les cailleras, à qui tu reprends d'une manière ma foi très ostentatoire le langage et l'accent (pour l'habillement c'est différent j'en conviens, tu as tout à fait l'air d'un bourge).
- Eh me trait
e pas de bourge bouffon nique ta mère ! Tu t'es pas vu toi avec ton langage des années 50 ?
- J'en suis
très fier.
- Moi man au moins, je suis cool,
je suis dans mon époque, dans mon temps. Papa-maman me soutiennent, j'ai l'argent que les cailleras veulent, j'ai leur langage mais pas leur mode de vie. Et puis mec tu soules trop, je pensais que tu voulais que je développe mes idées sur l'orthographe.
- T
out à fait, c'est toi qui t'interromps sans cesse. Moi je ne demande que cela : un développement d'une thèse me paraissant jusqu'à cet instant fort saugrenu.
- Tu vas voir tu vas être
trop d'accord quoi.
- Mai
s oui, je t'écoute ; ne reste donc pas hébété, à regarder tes chaussures.
- Ouais nan
attends je réfléchis quoi, comme toi quand tu parles on dirait tu cherches tes mots.
- J'en suis fort aise.
-
Haha ouais nan voilà quoi, moi je cherche pas mes mots je suis dans la rapidité. Car notre génération est dans la rapidité toi-même t'as dit, faut surpasser la génération précédente ou j'sais pas quoi. T'as vu 'ya les fast-food, pas chers, bons, efficaces, manger un sandwich t'es d'accord c'est plus rapide que manger à la cafète, ben moi c'est pareil, quand toi tu finis une pauvre thèse en un an moi je fais 30 skyblogs remplis de vidéos et de photos, moi je fais la cour à 20 filles et baise avec 40 parce que t'as vu 'ya les filles faciles en boîte, surtout celles de mon quartier t'as vu : Auteuil-Neuilly-Passy, c'est pas du gâteau !
Je ne pus me retenir de rire franchement.
- Eh
pourquoi tu te marres mec ? C'est la vérité, pendant que toi te fais chier des années dans tes études ben moi je vis, je m'amuse et je saute plein de gonzesses ! Trop lol toi t'es plongé comme un con dans de la paperasse sans queue ni tête, mais t'as vu moi je danse et je fricote moi j'ai pas besoin de ça ! Moi j'ai l'argent, j'vais reprendre la boîte de mon père et si tu deviens mon pote tu pourras monter je te jure !
- Penses-tu réellement q
ue nous soyons du même monde Daniel ?
- Bah n
an mais je vais t'en sortir, t'as un bon physique, un bon look je te jure la barbe de trois jours, style un peu négligé et tout ça te rend sympathique.
- Héhé, merci.
- Nan mais c'est vr
ai, je t'aime bien mais l'orthographe c'est de la merde toi-même tu sais.
- Non, je ne s
ais toujours pas. Penses-tu réellement qu'un livre mal écrit et bourré de fautes puisse avoir du succès ?
- Les livres c'est pou
r les loosers ; attends passe-moi une feuille vite on va faire la différence t'as vu, écris une phrase n'importe laquelle dans ton si beau style d'écriture, un style bien pompeux comme t'en as l'habitude et moi j'vais la changer wesh.
Je pris une
feuille de papier, et la posa sur la table nous séparant. Nous étions tous deux face à face, avec à côté des inconnus semblant depuis le début nous épier. Nous voyagions dans un TGV, la nature défilant à toute allure de notre côté : je dissimulais bien souvent mes envies de rire grâce à la fenêtre qu'incessamment je contemplais.
- Ben vas-y t'es censé écrire le premier
, après moi je corrigerai à ma façon.
Je pris un stylo, et réfléchissais.
- Putain
écris n'importe quoi c'est pas important !
- D'accord.
J'écrivi
s : "Bonjour aspirateur, pourquoi m'empêcher de vivre lorsqu'une si belle Dulcinée t'adresse de bien doux adieux ?"
- Haha c'est
quoi ça ?
- Arrête je n'ai pas fini, j'en écris plusieurs et tu
choisiras.
Je continuai : "Bon
jour ma meilleure amie, comment vas-tu sous ce beau ciel bleu ?"
- Nan tu me déçois mec fais
plutôt un truc intelligent quoi.
- Bon, d'accord.
"Bonjour Daniel,
pourquoi ne te transformes-tu pas en camembert ?"
- Ah ouais ça
c'est pas mal mec, j'vais la retranscrire.
Et il retra
nscrivit : "Boonjoor Daniel, PooUuRkOi Tuu T€ ChEnGe$ Paa En CaaMeeMbAiR ?"
Je riais aux écla
ts.
- Eh te marre pas parce que t'as vu j'ai
choisi cette orthographe j'aurais pu en choisir une autre, et puis bon d'habitude j'fais moins de fautes. Bon rends-moi cette feuille et te moque pas moi j'suis original t'as vu j'ai mon orthographe, c'est ça que j'ai voulu te montrer, j'ai raison dis pas le contraire bon laisse-moi traduire tes autres phrases bidons.
- Ouai
s.
- Merci.
Et il retranscrivit de nouveau : "BanJoor Ma
BeestAah, Bieen u biien Souus Cee Bow CiieeL Blee ?"
- Ah ouais
"bestah" c'est pas mal, je n'avais pas pensé qu'il y avait plus "Kevina" que "meilleure amie", déjà pour moi bien gnangnan.
-
T'as vu mec je t'apprends des choses, et maintenant la dernière.
"Baanjoor Lee GEntii Asppirateuur, poukoi m'aaMpaaiiché dee
u ViivRe Queend taa Meuuf Tee Laargue ?"
- Belle analyse Daniel, bie
n qu'un peu trop négative à mon goût. Sa Dulcinée l'a certes quitté mais par devoir, pour se marier à un sinistre barbu du double de son âge.
- Oh le pauvre aspirateur, mais il est riche au m
oins le barbu ?
-
Très pauvre.
- Alors pourquoi ils se marient w
esh ?
- Parce que ce fut le seul à bien vouloir
, après que toute la contrée fût au courant de la liaison de la jeune fille avec l'aspirateur. C'était très mal vu, à l'époque.
- Bah ouais je c
omprends, bon t'es convaincu par mes phrases ou non ?
- Elles on
t effectivement du charme. Tu devrais te lancer dans le comique.
- Hah
a je savais que j'allais te convaincre ! T'es un bon pote j'te jure quand je montrerai la boîte de mon père j't'offrirai une super place, tu seras super respecté et tout.
- Merci Daniel
.

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